Travailler jusqu'à épuisement!
- ccormierorientatio
- 12 oct. 2022
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 29 nov. 2022
Infirmiers(ères), policiers(ères), enseignants, travailleurs sociaux et j’en passe, de plus en plus de travailleurs de première ligne abdiquent et quitte leur profession. Ce n’est pas un fait nouveau, on en parle chaque jour dans l’actualité, toutefois, l’hémorragie ne cesse de prendre de l’ampleur. Celle-ci n’affecte pas uniquement les travailleurs d’expérience. Elle touche aussi des jeunes fraichement diplômés qui choisissent de quitter pour d’autres cieux. Cela s’avère préoccupant car ce sont des piliers importants de notre société qui sont fragilisés et que la pénurie de main-d’œuvre ne fait qu’ébranler davantage : la santé, la justice/sécurité, l’éducation pour ne nommer que ceux-là. Qu’ont en commun tous ces travailleurs? Ils portent une cause, une mission qui leur tiens à cœur. Que ce soit prendre soin, protéger, éduquer, aider, atténuer les souffrances, contribuer. Ils côtoient et accompagne au quotidien l’humain dans toute ses vulnérabilités.

Qui sont-ils?
Vous en avez certainement déjà rencontré. Pour certains ils prendront la forme d’un enseignant qui a influencé leur parcours. Pour d’autres, ils se rappelleront la prise en charge d’un médecin ou d’une infirmière qui a su les rassurer dans la maladie. Finalement, certain se souviendront du policier qui est intervenu dans une situation délicate qui mettait leur vie en danger ou encore du professionnel de la relation d’aide qui leur a permis de déposer leur souffrance dans une période de vie particulièrement difficile. Leur pourquoi (je le fais) est clair pour ne pas dire limpide. Il ne s’agit pas ici de travailleurs qui n’ont clairement pas fait de bons choix concernant leur carrière mais plutôt de ceux pour qui c’étais une évidence; les passionnés, les investis car eux aussi s’épuisent. Pour eux l’optimisme et la recherche de solutions n’est plus suffisante. Le salaire n’est pas non plus la raison pour laquelle ils ont laissé tomber la serviette, ils me l’ont souvent exprimé. Ils n’y arrivent tout simplement plus. C’est une question de survie et ce malgré la culpabilité (syndrome du déserteur) qui les rongent bien souvent. Celle d’abandonner leurs clients, leurs patients, leurs élèves, les victimes. Derrière leur étiquette professionnelle, se retrouve des humains qui veulent faire la différence, ils portent aussi de grandes responsabilités. Qu’en est-il lorsqu’ils deviennent souffrant et vulnérable à leur tour ? Ils tentent de se relever et de continuer malgré tout mais à quel prix ?
Être extraordinaire dans des conditions nulles
C’est habituellement l’étoffe des supers héros, c’est aussi ce qu'on demande à ces travailleurs de première ligne jour après jour en leur promettant un avenir meilleur. Travailler dans des conditions de plus en plus difficiles; pénurie de mains-d’œuvre, charge de travail élevé, manque de ressources, d’outils, surmenage et fatigue chronique, rigidité organisationnelle ce ne sont là que quelques exemples des défis auxquels ils sont exposés au quotidien. Ils doivent donc faire face à un choix difficile, celui de quitter le champ de bataille et ainsi écouter leur instinct de survie ou demeurer sur le front et accepter que peu importe leur contribution, ce ne sera pas suffisant pour répondre aux besoin de tous le monde. On ne peut que saluer leur courage et leur investissement.
Mission impossible
Lorsqu’ils cognent à ma porte, c’est pour exprimer le fait qu’ils ont tout essayé. Ils sont prêts à faire n’importe quoi pour apaiser leur chaos intérieur. Ils mettent en gage un salaire, des conditions de travail et un fond de pension, dernier rempart auquel ils se raccrochent désespérément mais en vain. Bien souvent, ils ont perdu leurs repères, ils n’arrivent plus à donner un sens à leur travail, ce travail dans lequel ils ont tout donné et auquel ils ont consacré une bonne partie de leur vie. Ils remettent en question ce qu’ils sont, leurs compétences et expriment bien souvent pour plusieurs une détresse importante. Ils s’accrochent comme ils le peuvent jusqu’au jour ou leur médecin, leur psychologue, leur suggère fortement de prendre un temps d’arrêt. Certains le feront, d’autres malheureusement devront frapper le mur avant d’y être forcés. Dans tous les cas le prix à payer pour ces travailleurs investis est lourd de conséquences pour eux et leur famille. Collectivement nous en payons tous le prix. Des employés difficiles à remplacer (pénurie et perte d’expertise, pression sur les collègues etc.), des travailleurs inaptes au travail pour certains à court, moyen et parfois même à long terme. Des impacts aussi sur l’accès aux services médicaux en santé mentale de même qu’en éducation. La liste est longue.
Réflexion collective
Nous sommes tous concernés à des degrés différents : Qui prendra soin de nous ou de nos parents malades? Qui enseignera à nos enfants? Qui nous aidera à surmonter la souffrance psychologique à laquelle nous sommes tous exposés à un moment ou à un autre dans notre vie? La question se pose. Alors en tant que société comment pouvons nous les aider à aller mieux et à poursuivre leur mission? Bien sûr il faut des investissements dans les services et revoir l’organisation du travail entre autres chose, on ne peut être contre. Toutefois, la solution est beaucoup plus complexe. Elle demande de s’éloigner du système et de la rigidité organisationnelle et de se rapprocher de l’humain. De prendre un moment pour écouter ce qu’il exprime derrière sa détresse, de s’intéresser à ses besoins, ce qui l’anime, de cesser de vouloir tout quantifier et uniformiser. Chacun à notre échelle nous pouvons contribuer dans notre rôle que ce soit comme entrepreneur, chef d’entreprise, gestionnaire, spécialiste des ressources humaines ou de la relation d’aide etc. En tant que travailleur nous devons aussi ne pas banaliser l’insatisfaction au travail, la fatigue chronique (si vous n’avez pas de problèmes de santé identifiés), la détresse psychologique ou encore la démotivation au travail. Il importe de mettre des mots sur vos maux afin de mieux les comprendre mais surtout afin de reprendre votre pouvoir sur vos choix professionnels et personnels. N’attendez pas de frapper le mur et n’hésitez pas à tendre la main à votre tour.
Chantal Cormier c.o.
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